No 72 (2025): Apprendre une langue étrangère aujourd’hui : tensions, attractions, (r)évolutions

13-02-2024

 

Nous vous invitions à soumettre les propositions d’articles au numéro 72 de Romanica Wratislaviensia, consacré à la thématique de l’apprentissage/enseignement des langues étrangères.

 

Date limite d’envoi des propositions d’articles : 24 mars 2024

Les propositions sont à adresser aux rédactrices du numéro :

dr Jadwiga Cook (jadwiga.cook@uwr.edu.pl)

dr hab. Monika Grabowska (monika.grabowska@uwr.edu.pl)

Langues acceptées : français, espagnol, italien, polonais.

Calendrier prévisionnel

24 mars 2024 – date limite d’envoi des propositions d’articles

10 avril 2024 – décision du comité de rédaction et notifications aux auteurs

30 septembre 2024 – date limite d’envoi des articles

fin 2025 – publication du numéro 72 de la revue Romanica Wratislaviensia

 

Appel à contribution pour le numéro 72

Vu dans la perspective de la théorie de la complexité, l’apprentissage des langues étrangères constitue un processus qui se caractérise par le faisceau de traits distinctifs suivants : dynamicité, complexité, interconnectivité, non-linéarité, auto-organisation, ouverture, adaptation et émergence (Bot, Lowie, Verspoor 2007 ; Cameron et Larsen-Freeman 2008 ; Kramsch 2012 ; Miras 2017). L’apprentissage des langues étrangères se déroule ainsi selon une trajectoire à chaque fois originale, et ses différents stades émergent d’une variété d’interactions avec leur contexte, impliquant autant des utilisateurs de la langue que divers médias (Grabowska 2022). Par conséquent, il est conceptualisé comme tout le contraire d’un algorithme : ce n’est pas une addition de nouveaux éléments à un système préconstruit selon une progression sous-jacente de l’état de non-connaissance à l’état de connaissance, mais une construction de nouveaux systèmes (apparentés à des interlangues) de plus en plus complexes. La fluctuation constante et partiellement imprévisible, marquée par l’alternance des progrès et des périodes de stagnation, en est un trait immanent, et ceci, d’autant plus que chaque nouvel élément déséquilibre le système existant.

La dynamicité du processus résulte non seulement de l’émergence de nouveaux états de la compétence de communication, mais aussi de la reconfiguration constante de son contexte (ou « écologie » de l’apprentissage, dans la nomenclature de l’écodidactique ; Lier 2004). En font partie différents agents, facteurs et processus, aussi bien physiques, cognitifs, sociaux, culturels, que pédagogiques, dont, entre autres :

  • les interlocuteurs natifs et non natifs de la langue étrangère (présents, absents et passés – à travers leurs textes ; Lemke 2002) ;
  • les outils et supports disponibles dans un contexte d’apprentissage formel (cf. par ex. Massou et Lavielle-Gutnik 2017 ; Schmidt et Strasser 2022) ;
  • les enseignants, leurs méthodes et leurs styles d’enseignement (Frayssinhes, Galaup 2021) ;
  • les « affordances » de l’apprentissage informel (Gibson 1979 ; Grabowska 2023 ; Dressman et Sadler 2020 ; Toffoli, Sockett et Kusyk 2023) ;
  • les langues utilisées dans une communauté et l’ensemble du discours axiologique sur ces langues (Steciąg 2014) ;
  • les facteurs personnels, comme la motivation, la capacité de mémorisation, le sens de l’engagement, la confiance, l’esprit d’initiative, la résilience, la biographie personnelle et linguistique, les traits de personnalité et le degré d’autonomie de l’apprenant, notamment dans un environnement numérique (Cappellini, Lewis et Rivens Mompean 2017 ; Cyfryzacja edukacji językowej 2023) ;
  • les compétences générales individuelles (Conseil de l’Europe [CECR] 2000 : 16–17) et les objectifs de l’apprentissage, dont ceux liés à l’exécution des devoirs professionnels (Mourlhon-Dallies et Sowa 2023) ;
  • les besoins éducatifs particuliers (Karpińska-Szaj 2022), dont ceux liés au bilinguisme (Cook 2018).

Le changement de perspective permet aussi de présenter le processus d’enseignement comme dynamique et complexe ; idem pour l’enseignant et l’apprenant qui en sont les deux « acteurs » (selon la nomenclature du CECR 2000), dotés d’une autonomie (Wilczyńska 2002) et d’une agentivité. Ces deux concepts, avec la relation (ang. relatedness), correspondent par ailleurs aux besoins intrinsèques et inaliénables de l’être humain (Ryan et Deci 2018). Dans le processus d’apprentissage des langues étrangères à l’époque actuelle, le besoin de contact humain se matérialise notamment dans la formation de communautés d’apprenants ainsi que d’une blogosphère des enseignants dans les médias numériques ; il demande toutefois des compétences d’interaction écrite adaptées (Górecka 2022). Ces éléments reconfigurent eux aussi les contextes d’apprentissage actuels.

En conclusion, tous les éléments constitutifs des processus d’apprentissage et d’enseignement sont en constante évolution, en raison de différentes tensions (par exemple, entre les besoins communicatifs de l’apprenant et ses ressources limitées, ou entre une méthodologie d’enseignement et les théories subjectives d’apprentissage dans un contexte formel) créées par différents attracteurs du système, dont les niveaux de compétence à acquérir, mais aussi l’émergence de nouvelles ressources supportées par l’intelligence artificielle : pour les uns, ce sont des attracteurs, pour d’autres, des repoussoirs.

Nous invitons les chercheurs en didactique des langues romanes, les spécialistes en littérature et linguistique enseignant leurs matières en langues étrangères et les traductologues à participer à la réflexion autour de ces tensions qui influent sur l’évolution de l’apprentissage/enseignement des langues étrangères au seuil du deuxième quart du XXIe siècle.

Les axes de réflexion potentiels sont les suivants :

  • les concepts clés de la didactique des langues étrangères modernes et leur redéfinition à la lumière de la théorie de la complexité ;
  • les tensions entre les écologies d’apprentissage formelles, non formelles (dont les chaînes multimédias, les plateformes et les applications d’apprentissage des langues étrangères) et informelles : complémentarité ou concurrence ?
  • les différences individuelles (dont les déficits psycho-physiques et socio-cognitifs, le bilinguisme et le plurilinguisme, les différentes conditions initiales des apprenants des groupes plus avancés) comme sources des dynamiques acquisitionnelles personnalisées des langues étrangères, et leur impact sur l’individualisation du processus d’enseignement ;
  • les ressources numériques et l’intelligence artificielle au service de l’apprentissage/ enseignement des langues étrangères et des disciplines non linguistiques : elles sont attractives et offrent une valeur pédagogique, mais les maîtriser implique un investissement chronophage ;
  • le rôle des supports « traditionnels » dans la classe de langue étrangère « moderne » ;
  • les vecteurs de l’évolution des programmes d’apprentissage/enseignement des langues étrangères dans le contexte des études universitaires philologiques ou linguistiques ;
  • l’adaptation des programmes d’apprentissage/enseignement des langues de spécialité à un monde professionnel en constante mutation ;
  • l’apprentissage/enseignement des langues étrangères et le bien-être de l’apprenant/de l’enseignant : quelle place occupent désormais la compétence, l’autonomie et la relation (relatedness) ?
  • le rôle actuel de l’enseignement des disciplines non linguistiques en langues étrangères ou de la traduction/interprétation dans le processus d’apprentissage/enseignement des langues étrangères, et vice-versa ;
  • la dimension ludique (cf. par ex. Kotuła 2022) du processus d’acquisition des langues étrangères dans ses différentes écologies d’apprentissage ;
  • l’évaluation des compétences des apprenants de langues étrangères modernes.

Bibliographie

Bot [De] K., Lowie W., Verspoor M. (2007). « A Dynamic Systems Theory approach to second language acquisition », Bilingualism : Language and Cognition 10(1), 7–21, <doi.org/10.1017/S1366728906002732>.

Cameron L., Larsen-Freeman D. (2008). Complex Systems and Applied Linguistics. Oxford, UK : Oxford University Press.

Cappellini M., Lewis T., Rivens Mompean A. (dir.) (2017). Learner Autonomy and Web 2.0. Sheffield, UK, Bristol, CT : Equinox.

Conseil de l’Europe [CECR] (2000). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Strasbourg : Didier.

Cook J. (2018). « Enfant bilingue à l’école polonaise – exemple de méthode de recherche », [dans :] G. Komur-Thilloy, S. Djordjevic (dir.), L’école, ses enfants et ses langues, Paris : Orizons, 239–250.

Cyfryzacja edukacji językowej [dossier] (2023), Języki obce w szkole 4, 5–77.

Dressman M., Sadler R.W. (2020). The Handbook of Informal Language Learning. Hoboken, NJ : Wiley Blackwell.

Frayssinhes J., Galaup M. (2021). « Styles et stratégies d’enseignement dans les universités et les grandes écoles », Présences 15, 1–25.

Gibson J.J. (1950). The Perception of the Visual World. Boston : Houghton Mifflin.

Górecka J. (2022). Konstruowanie wiedzy w pisemnych i asynchronicznych interakcjach online. Poznań : Wydawnictwo Naukowe UAM.

Grabowska M. (2023). L’apprentissage informel des langues étrangères. Paris : L’Harmattan.

Grabowska M. (2022). « L’enseignement/apprentissage des langues étrangères sous l’éclairage de la théorie des systèmes complexes et dynamiques. Exemple de philologie française à l’Université de Wrocław », Romanica Wratislaviensia 69, 223–236.

Karpińska-Szaj K. (2022). Niezwykłe dzieci, nieobce języki. O indywidualizacji w kształceniu językowym. Cracovie : Impuls.

Kotuła K. (2022). Gra komputerowa na lekcji języka obcego. Lublin : Wydawnictwo UMCS.

Kramsch C. (2012). « Why is everyone so excited about complexity theory in applied linguistics ? », Mélanges CRAPEL 33, 9–24.

Lemke J.L. (2002). « Language Development and Identity: Multiple Timescales in the Social Ecology of Learning », [dans :] C. Kramsch (dir.), Language Acquisition and Language Socialization. Ecological Perspectives. Londres : Continum, 68–87.

Lier [van] L. (2004). The Ecology and Semiotics of Language Learning : A Sociocultural Perspective. Boston : Kluwer.

Massou L., Lavielle-Gutnik N. (2017). Enseigner à l’université avec le numérique. Savoirs, ressources, médiations. Louvain-la-Neuve : De Boeck.

Miras G. (dir.) (2017). Notions en question – Émergentisme [titre du numéro], Recherches en didactique des langues et des cultures 14(1), <doi.org/10.4000/rdlc.1082>.

Mourlhon-Dallies F., Sowa M. (dir.) (2023). L'enseignement des langues de spécialité à l'heure de la globalisation [titre du numéro], Neofilolog 61(2).

Ryan R.M., Deci E.L. (2018). Self-determination Theory. Basic Psychological Needs in Motivation, Development, and Wellness. New York/Londres : The Guilford Press.

Schmidt T., Strasser T. (2022). « Artificial Intelligence in Foreign Language Learning and Teaching », Anglistik 33(1), 165–184.

Steciąg M. (2014). « Glottodydaktyka w ujęciu ekolingwistycznym », Acta Universitatis Lodziensis. Kształcenie polonistyczne cudzoziemców 21, 51–62.

Toffoli D., Sockett G., Kusyk M. (dir.) (2023). Language learning and leisure. Informal language learning in the digital age. Berlin/Boston : De Gruyter Mouton.

Wilczyńska W. (1999). Uczyć się czy być nauczanym. O autonomii w przyswajaniu języka obcego. Warszawa : PWN.